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serve, mais au prix d’efforts patients et d’une longue éducation. On avait à cet effet créé une usine à Kobé, qui fabriquait des boîtes d’endaubage à la gelée légèrement sucré, qu’on mit en consommation dans tous les régiments. Les soldats ont fini par pouvoir le supporter, mais ils continuent à éprouver une invincible répugnance pour toute autre viande, notamment pour la viande fraîche. Ils ont également besoin de condiments spéciaux pour préparer leur cuisine ; on leur expédie du choyou (sauce japonaise) dans des cylindres de fer-blanc.

Cette nostalgie gastronomique empêche l’armée d’utiliser les ressources du pays. Pour les correspondants de guerre, c’est là un état de choses très satisfaisant ; il leur permet de trouver toujours dans les villages chinois des poulets et des œufs respectés par les conquérants. Pour l’intendance, la situation est plus gênante, car elle l’oblige à importer du Japon tous les vivres consommés par l’armée.

La flotte japonaise étant virtuellement maîtresse de la mer, les difficultés commencent seulement au port de débarquement. Mais de là, il faut amener par voie de terre jusqu’à l’armée, sans compter le matériel de guerre, trois cent mille rations quotidiennes.

On se représente quel nombre colossal de convois nécessitent tous ces bagages. L’intendance s’est montrée à la hauteur de cette tâche gigantesque.