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voir la guerre. Les chevaux étaient sellés moins de cinq minutes après ; le convoi fut chargé en un tour de main. Bientôt, nous franchissions, gais et contents, le cœur à l’aise, la porte nord d’Haïtcheng…

Notre joie fut de courte durée. À moins de deux kilomètres de la ville, on nous fit grimper sur un petit tertre qui commandait la plaine. Le temps était radieux, les Chinois travaillaient aux champs, quelques chariots passaient sur les routes ; mais aucun soldat n’était en vue. À force de fouiller l’horizon, un de nous finit par découvrir, à dix kilomètres plus au nord, quelques points blancs sur le sommet d’un renflement de terrain. C’étaient des shrapnells russes éclatant au-dessus d’une batterie japonaise. Il fallait le secours de jumelles perfectionnées pour les apercevoir. À ce mirage lointain devait se borner pour nous le spectacle si ardemment désiré et depuis si longtemps. Malgré nos réclamations, on refusa de nous rapprocher du combat.

En vain, M. Okabé s’efforçait de nous intéresser à ce qu’il devinait dans le lointain. Assis à terre, nous tournions le dos à la direction de la bataille. Un de nos camarades avait reçu la veille avec son courrier un paquet de journaux d’Europe.

Il nous les distribua et nous passâmes à lire des faits-divers l’après-midi de notre première journée de combat. Le soir, on nous fit cantonner dans un