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ressemblait bien davantage à une boîte de soldats de plomb qu’à des militaires en campagne.

J’en étais là de mes réflexions lorsqu’un officier japonais vint se présenter à moi. Il s’appelait le major Tatchibana et se montrait très heureux de pouvoir causer avec un Français. Il parlait fort correctement notre langue. Les hommes que nous avions sous les yeux appartenaient à son bataillon, il me demanda ce que j’en pensais.

Je reconnus que ses soldats avaient fort bonne apparence mais je ne lui cachai pas mon étonnement de voir placer ainsi des sentinelles le jour dans une plaine absolument unie. En était-il toujours ainsi ?

Bien des choses m’ont étonné depuis six mois que je me trouve en Extrême-Orient, mais rien jusqu’à ce jour ne m’a surpris autant que la réponse du major Tatchibana. Après s’être assuré que personne ne pouvait nous entendre, il dit en souriant : « Oh ! non ! rassurez-vous, c’est un spectacle réservé aux correspondants de guerre en tournée. Il y a un bataillon entier à quatre kilomètres en avant d’ici et d’autres fractions plus loin encore, sans compter les reconnaissances de cavalerie. »

En présence de cette franchise inusitée, je m’enhardis jusqu’à demander au commandant à quelle division appartenait son régiment. C’était une indiscrétion que j’hésitais à commettre, connaissant les