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étranger qui s’y compromettrait risquerait fort de « perdre la face. »

Les tractions animale et mécanique faisant défaut, reste la traction humaine. Elle est représentée par des coolies vêtus de gros bleu et coiffés d’une espèce d’abat-jour de paille. Ils s’attellent à leur kourouma à deux roues et détalent avec une rapidité extraordinaire. Les Parisiens connaissent ces véhicules pour les avoir vus aux dernières expositions ; mais si une course de quelques dizaines de mètres sous le soleil des bords de la Seine offre une agréable récréation, il n’en est pas de même des voyages entrepris dans les rues de Tokio durant l’hiver japonais. En vain on tente, avec une capote à ressorts et un tablier de toile cirée, de lutter contre la bise et la pluie mêlée de neige ; on est bientôt transi de la tête aux pieds.

C’est dans cet état que j’arrive enfin à la Légation dont les bureaux sont installés dans l’ancienne demeure du comte Okouma, le grand tribun de la Diète. Le meilleur accueil m’y attend : ma demande sera transmise demain au quartier général et, dans deux ou trois jours, je recevrai le permis qui me donnera le droit d’accompagner les armées japonaises. Cette assurance est le meilleur des réconfortants et m’aide à supporter gaiement les tribulations du retour à Yokohama.