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dans les villes industrielles et les ports où leurs affaires les retenaient. Le quartier élégant, destiné à rivaliser avec les vieilles capitales de l’Occident, n’est encore qu’une succession de terrains vagues semés de tas d’ordures. Les abords du Palais Impérial, dont les escarpes de rochers bruts, couronnées de pelouses et de pins tordus, ne manquent ni d’originalité, ni même d’une certaine majesté barbare, ne peuvent se comparer qu’au glacis des fortifications de Paris. De loin en loin, dans ce désert malodorant découpé par les lignes de tramways, se dressent les lourdes bâtisses que le Gouvernement a édifiées à grands frais pour donner asile aux ministres et à leurs bureaux. Toutes du même type, ces espèces de casernes en brique rouge témoignent, elles aussi, du penchant trop hâtif des Japonais nouveau jeu pour l’architecture européenne.

Pour le voyageur préoccupé des seules questions matérielles, le plus grave inconvénient de Tokio est son incommensurable étendue, qui lui permet de disputer à la capitale russe son sobriquet de « Ville aux magnifiques distances ». Cet ennui est au moins doublé par le manque de moyens de communication. Les voitures, à Tokio, n’existent pas plus que les maisons, et pour les mêmes causes. Les tramways électriques, au contraire, sont fréquents, mais tellement bondés d’indigènes qu’un