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il m’avoua qu’il avait fait ses études dans une mission presbytérienne d’Osaka et suivait les cours de l’Université de Tokio lorsque la guerre avait éclaté. Il avait voulu assister aux opérations comme journaliste, mais la liste était déjà close et sa demande fut repoussée. Il s’engagea alors comme boy.

Un fait de ce genre ne constitue nullement une exception. Sauf quelques rares daïmios qui ont conservé leurs biens après la restauration, les Japonais ne sont séparés par aucune distinction sociale. La pauvreté générale en est cause et a certainement fait de la société japonaise la plus démocratique de l’univers. De cette uniforme indigence il résulte que souvent les parents ne peuvent pourvoir qu’à l’éducation d’un de leurs enfants, et on peut voir les membres d’une même famille exercer les métiers les plus divers ; on m’a cité le cas du frère d’un ministre qui tirait un kourouma dans les rues de Tokio. Ici même un de nos domestiques est le frère d’un colonel, chef d’état-major d’une division ; un autre a été député progressiste.

Ces messieurs atténuent la médiocrité de leur condition en la parant du titre sonore d’interprète. Mais cela ne les empêche pas de faire notre cuisine et de cirer nos bottes.

Le Japonais presbytérien avait successivement débité Hamlet, Othello et le Roi Lear lorsque notre