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pareil dans ses contorsions au corps sinueux des dragons sur les vieilles broderies. Sans tenir aucun compte de la pente du terrain, elle chevauche à flanc de coteau, grimpe jusqu’au sommet des cols, tombe dans un ravin ou s’allonge sans fin dans la plaine. Elle ne connaît pas les ouvrages d’art : ni les ponts, ni les remblais, ni les tunnels. Aussi n’est-il pas rare qu’elle s’écroule ou se couvre d’éboulements. Les voitures sortent alors de la voie, contournent la partie détruite, et bientôt l’usage a remplacé la première route par une nouvelle. Au centre du ruban, deux profondes ornières creusées par le temps, les voitures et les intempéries s’enfoncent chaque jour davantage. Les chariots chinois tous de même taille s’y encastrent, et avancent péniblement en en rognant les bords.

Sur cette route, c’est un mouvement perpétuel. On y voyage la journée entière sans jamais se trouver seul. Malgré l’heure matinale, elle est déjà pleine de monde. Voici d’abord des cavaliers japonais qui nous toisent en passant d’un regard plein de mépris ; puis, un médecin de la Croix-Rouge juché sur une misérable haridelle que deux boys du pays chassent devant eux à coups de bâton.

Les paysans, en foule, tous vêtus d’un bleu terni par la pluie et la poussière et coiffés de leurs cônes de paille, portent leurs deux paniers réunis par une