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traires et un capitaine apathique réussissent à nous faire manquer d’une demi-heure l’appareillage des affrétés. Le lendemain et le surlendemain, la brume odieuse de la Mer Jaune, nous enveloppant de son voile impénétrable, prolonge le séjour du Heïjo-Marou dans cette triste antichambre de la guerre.

Les vivres commençaient à se faire rares. La nourriture américano-japonaise, dont on nous gratifiait à bord, généralement mauvaise, devenait exécrable. Heureusement, dans l’après-midi du troisième jour, le brouillard disparaissait aussi rapidement qu’il était venu, au moment même où la vieille canonnière le Saïyen, enlevée il y a dix ans aux Chinois, entrait dans la rade.

Le lendemain, à l’heure convenue, elle prenait la tête d’une file de dix-sept transports dont nous formions l’arrière-garde. Une marche serpentine, destinée à éviter une collision avec d’hypothétiques mines flottantes, nous amenait bientôt à l’entrée de la baie de Talienouan. L’instant est solennel. Tournerons-nous à gauche vers la haute cheminée d’usine qui marque l’emplacement de Dalny, ou bien dans la direction des taupinières de boue jaune, devinées plutôt qu’aperçues sur notre droite, vestiges des anciennes fortifications chinoises de Louchoutoung. Après avoir paru hésiter, le Heïjo-Marou, d’un coup de