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possible les heures pénibles qui nous séparent du moment béni.

Dans une société aussi bigarrée que la nôtre, les ressources ne font pas défaut. Lorsqu’on est fatigué des anecdotes, des récits d’aventures dans les Balkans ou le Far West, un des Américains entonne une chanson nègre en s’accompagnant de son banjo, ou bien on se réunit autour d’un jeu de petits chevaux pour lequel un correspondant à l’esprit prévoyant a su trouver de la place dans ses cantines. Quelques fanatiques du reportage ont déjà trouvé dans notre banal voyage des sujets de lettres et de télégrammes et se réfugient loin des regards indiscrets pour pianoter pendant des heures sur leurs machines à écrire.

Malgré tout, l’impatience des passagers ne diminue pas. Divers incidents la portent jusqu’à l’exaspération. Notre première destination que nous n’avons pas tardé à découvrir grâce aux cartes marines et à nos boussoles de poche, est une des îles Elliott, base de la flotte de l’amiral Togo. De ce point, part chaque matin à six heures un convoi comprenant tous les transports arrivés depuis la veille ; un navire de guerre les guide jusqu’au point de débarquement. Nous devions arriver le 28, quelques minutes avant le départ de la fournée quotidienne et la suivre immédiatement. Mais des vents con-