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population locale s’est réunie pour contempler les Européens éternellement mécontents dont les plaintes remplissent depuis des mois tous les journaux indigènes. Des soldats du train viennent chercher les quatorze montures qui forment notre cavalerie, pour les conduire aux chalands amarrés à la jetée. L’embarquement ne va pas sans accrocs ; les chevaux japonais, lymphatiques et lourds, n’opposent aucune résistance, mais quelques-uns de nos camarades ont acheté des poneys chinois, vicieux par nature, et de plus, énervés par le long trajet en chemin de fer. Ils ruent, se cabrent, se démènent si bien qu’il faut deux bonnes heures pour les caler dans les bateaux ; l’un d’eux s’offre même le luxe d’un bain de mer qui lui eût été fatal sans le dévouement de son palefrenier qui s’élance tout habillé à l’eau pour le secourir. La foule crie : banzaï ! et voilà un héros japonais de plus. Après les animaux, leurs propriétaires défilent entre deux haies de badauds sous de véritables batteries d’appareils photographiques. Un quart d’heure de chaloupe à travers le détroit et nous voilà à l’échelle du Heijo-Marou, mauvais petit vapeur d’un millier de tonnes, qui doit nous emporter vers le continent.