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famille où vivent la plupart de ses compatriotes habitant la capitale. Le soir, après le souper, lorsqu’on est fatigué de boire de la bière et de chanter la « Loreley », on fait de la politique. Les convives se partagent les concessions de mines et de chemins de fer, décident la nomination des fonctionnaires et orientent la politique coréenne, suivant leur humeur, vers le Japon ou la Russie. Aujourd’hui, ce beau temps est passé, les Japonais sont maîtres absolus de la situation. Ils ont porté au pouvoir des ministres de leur choix, et nommé au portefeuille de la guerre un général coréen, dont la femme a eu des bontés pour le secrétaire du marquis Ito ; certaines personnes irrévérencieuses prétendent que ce fut pour le marquis Ito lui-même. Cet éminent soldat a réussi à éclipser la fortune, naguère si brillante, de l’ex-cuisinière.

Le Gouvernement du Mikado, dont le manque de prévoyance est le moindre défaut, s’est même assuré un prétendant au trône, tout prêt à prendre la place de l’empereur actuel au cas où il lui arriverait malheur. L’infortuné souverain défend pied à pied ses prérogatives, mais est toujours forcé d’en passer par où le veulent ses exigeants protecteurs. L’exemple de l’impératrice, sa femme, assassinée il y a neuf ans pour avoir trop ouvertement favorisé le parti russophile, est toujours présent à sa mémoire, et le rap-