Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au bout d’une de ces pièces d’eau, dans un bâtiment rouge à deux étages, les invités se réunissent autour de longues tables où un déjeuner européen est servi. Nos hôtes, les uns revêtus de la même robe blanche que les gens du peuple, les autres affublés d’uniformes noirs et rouges dorés à chaque couture, dévorent silencieusement. Faute d’interprètes, la conversation languit ; les blancs et les jaunes se bornent à échanger des grimaces qui veulent être des sourires. Le repas achevé, on nous entraîne rapidement à travers les bois, sans doute pour nous empêcher de voir une armée de fonctionnaires de moindre importance se ruer sur les tables que nous venons de quitter et s’arracher les restes du banquet. Une grosse dame européenne, que nous n’avions pas encore aperçue, sort en courant d’une espèce de pagode qui sert d’office et tente vainement de s’opposer à la curée. Cette imposante matrone est un des personnages les plus considérables de la Cour coréenne. Ancien cordon bleu d’origine allemande, mademoiselle S… a dû à ses talents culinaires un avancement rapide (elle est aujourd’hui intendante de Sa Majesté), des honoraires élevés et une influence politique incontestable. Comme il n’y a pas de petits bénéfices, même à Séoul, mademoiselle S… ajoute à ces revenus officiels des émoluments importants en tenant dans l’enceinte impériale une pension de