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partit, mais il fondit si bien en route que le général qui le commandait ne se vit accompagné que de quatre hommes en arrivant à destination. Vous croyez sans doute que l’empereur, furieux à l’annonce de cette défection en masse, fit couper la tête aux coupables. Il n’en fut rien. Le paternel monarque, saisi de commisération à l’égard des pauvres déserteurs qui se trouvaient du jour au lendemain privés de moyens d’existence, leur fit distribuer une gratification.

Vers midi, deux rangées de ces valeureux militaires formaient la haie sous la porte du palais de l’Est, où nous nous rendions à l’invitation des ministres et des hauts dignitaires de la Cour. Le voyage de notre hôtel à la résidence impériale n’avait pas été exempt de tribulations : nous avions dû traverser tous les bas quartiers de la ville et descendre vingt fois de nos kouroumas pour enjamber les égouts nauséabonds qui barraient notre route. Le palais lui-même n’est guère mieux tenu que les faubourgs qui l’entourent ; il n’a de remarquable que ses dimensions. Un jardin absolument inculte, de plusieurs hectares d’étendue, occupe tout l’intérieur de l’enceinte murée. Au milieu des arbres sont dissimulés une foule de petits kiosques en bois colorié et des mares stagnantes couvertes de lotus dont les larges feuilles cachent mal les eaux fétides et croupies.