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une mort banale, mais rapide, au suicide chevaleresque et douloureux que lui imposerait, le cas échéant, le respect qu’il doit à la longue lignée de daïmios dont il est issu.

Vers midi, l’antenne du télégraphe sans fil retentit d’un crépitement familier qui attire tous les passagers autour du mât d’artimon. L’angoisse se lit sur les visages : sommes-nous poursuivis ? l’amiral Kamimoura vient-il à notre secours ? a-t-on pris Port-Arthur ? La nouvelle, déchiffrée rapidement, est plus prosaïque : c’est une simple invitation à dîner du préfet maritime de Sassebo. Bientôt deux torpilleurs surmontés du pavillon blanc à rayons rouges viennent à notre rencontre et nous escortent à travers la ligne de mines qui barre l’entrée de la rade. Nous pénétrons dans la jolie baie et mouillons vers six heures du soir en face des grands bâtiments rouges de l’arsenal.

Sassebo restera dans mes souvenirs comme la ville du charbon et des fausses nouvelles.

Tout le charbon brûlé par les vaisseaux de l’amiral Togo passe par Sassebo. Les ressources considérables de houille que possède le Japon ne peuvent lui servir pour la flotte en temps de guerre, à cause de la fumée noire et épaisse qui s’en dégage à la combustion et trahirait de loin la présence des bâtiments. On est donc obligé de s’adresser aux mines de Cardiff ; d’innombrables transports viennent empiler les bri-