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lorsque le capitaine Takarabé reprit l’ordre d’appareiller pour Sassebo, notre prochaine escale. Le lendemain, au lever du soleil, le Manchou-Marou franchissait la passe de Chimonocéki et, quittant la protection des batteries de la côte, voguait sur les eaux de la mer du Japon, exposé sans défense aux coups de Neptune et de l’amiral Skrydloff. Nous sommes environnés d’une véritable flotte de vapeurs de commerce, sortant en masse du port de Modji, où le combat d’Okinochima l’a retenue pendant quatre jours.

Toutes les traces de la catastrophe n’ont pas disparu. D’abord ce sont des épaves qui flottent près de nous, puis une baleinière vide, à la dérive ; enfin, à bâbord, on aperçoit le Sado-Marou. La poupe disparaît sous les flots, l’avant pointe lamentablement en l’air. Des barques et des sampans fourmillent autour de la coque comme des carnassiers autour d’un cadavre. C’est d’un mauvais présage.

À bord du Manchou-Marou, malgré l’heure matinale, tout le monde est sur le pont. Les jumelles sont braquées anxieusement sur l’horizon. On se croirait à Longchamp, un jour de Grand-Prix. Au passage du plus inoffensif cargo-boat, on croit reconnaître le Rurik ou le Gromoboï. Les Japonais aiguisent leurs rasoirs, en vue d’un harakiri général ; seul, le marquis X… court charger son revolver, préférant