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protestation du nouveau maître contre l’ancien ; Baudelaire comme Nerval est mort de l’art.

Demeurèrent en présence, le réel principat de Baudelaire étant périmé dans la vie, deux poètes, MM. Leconte de Lisle et Théodore de Banville.

M. Leconte de Lisle paraît, dès ses œuvres de début, avoir obéi à une des préoccupations qui hantèrent le plus Baudelaire, et par contraste avec celui qui remplissait l’horizon, il a voulu être bref, serré ; son terrain, il le choisit comme en un tertre élevé ; d’une baguette magique, il dirige un cortège de fresques impersonnelles et pâles ; soit que ces effigies d’esprits émanent du Nord Odinique ou de l’Inde, ou de la Grèce (une Grèce immobile que le poète s’est constituée patrie), ces effigies sont amples, décoratives, plausibles ; elles disent d’un ton monotone, mais si grave, le doigt levé comme pour imposer le respect auquel elles ont droit. Dans l’Apollonide, son œuvre récente, comme dans les Érinnyes, comme partout, d’une grave voix de baryton, dans une langue douée de splendeur, des personnages rigides comme des marbres éginètes parlent et s’infléchissent, un peu raides. À chaque vers de M. Leconte de Lisle, que vous preniez Kaïn ou Midi, ou le Manchy ou l’Apollonide, on sent une protestation contre toutes les qualités de héraut populaire de Victor Hugo. M. Leconte de Lisle n’est pas, n’est nullement issu d’Hugo ; il est contraire comme tempérament, et Olympien à la façon des grands poètes.

M. Théodore de Banville à première apparence semblerait procéder davantage de Victor Hugo ; mais ce