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de l’idée. C’est ce qui donne à son œuvre ce caractère d’extériorité, soit qu’on la compare à de vastes séries de frontons érigés et ciselés avec un art énorme et délicat, série de frontons et de façades s’étendant sur toute la largeur visible d’une grande plaine, mais frontons et façades derrière lesquels on ne découvre qu’une plaine exactement semblable à celle qu’on vient de traverser, soit que, comparant dans un ordre plus immatériel, vous ayez la sensation d’une voix large, énorme, apportant dans la nuit toutes les rumeurs connues mais avec une infinie variété de sons de gongs, de cuivre, de vents dans les harpes qui la font exceptionnelle et spéciale. Je parle là du bon Hugo, du Hugo très bon, car il y a dans ses œuvres, et dans Toute la lyre, des fantaisies oiseuses ; il y a des plaisanteries inutiles et lourdes comme dans la Chanson des rues et des bois ; il y a, comme dans la Légende des siècles, la banalité générale des thèmes ; il y a les pires incorrections de pensée et des monotonies de formes perpétuelles, mais il y a parfois, souvent l’accent magnifiquement amplificateur, la pompe rhétoricienne déjà entendue en France de la chaire de Bossuet.

Or, nous avons dit que le cerveau humain susceptible du luxe de l’art, cerveau des fondateurs et des poètes, cerveaux entraînés dans leurs rythmes ou purement récepteurs des vrais lecteurs, diverge en deux essentielles séries. Les uns, doués et adroits, s’arrêtant aux joies extérieures, aux caprices imprévus des clinquants et des paillons, essentiellement décorateurs, et préparant toujours, et toujours bien, la salle des fêtes, en installant et décrivant les arcades et les tentures, sans que