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LE VERS LIBRE

nous avait taxé de cravatisme exaspéré on aurait trouvé quelque autre chose plus désobligeant encore pour éviter de discuter sérieusement avec nous. C’est le propre, d’ailleurs, des nouveautés d’art de déchaîner d’incompréhensibles tempêtes.

Cela est vrai pour tous les arts. Si l’on ne s’explique plus devant des Claude Monet ou des Renoir les rafales de rire des anciennes expositions d’impressionnsites, encore moins peut-on s’imaginer comment en 1875 des personnes amoureuses de musique se dirigeaient vers le Châtelet avec des sifflets quand on y devait donner la Danse macabre, comment Carmen échoua, comment jadis des hommes d’intelligence pratique réelle eurent horreur d’Hernani, comment Baudelaire scandalisa, comment Flaubert froissa ; et je ne cite que des nouveautés où l’élément d’art était le seul en question, admettant que le naturalisme fut d’abord discuté simplement au nom de la morale, et que le patriotisme seul amena les Parisiens à manifester contre Lohengrin… En tout cas, le jour de Tannhauser ils n’avaient encore d’autres raisons que l’horreur du nouveau.