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Au bout de quelques instants, Huguette poussa une exclamation heureuse.

— Là ! je savais bien !

Elle montrait une maisonnette qu’elle venait de découvrir, masse plus sombre dans un pli de terrain, à deux pas de la route.

Nul bruit ne s’en échappait ; close de toutes ses issues, l’humble demeure dormait comme la nature environnante.

Huguette y courut et frappa à la porte de son petit poing fermé.

— Réveillez-vous, bonnes gens, s’il vous plaît !

On entendit un murmure de voix troublées, puis le volet de l’unique fenêtre du rez-de-chaussée s’entrebâilla et une tête d’homme s’avança avec précaution.

— Qui va là ?

— Des voyageurs égarés, répondit Huguette avec une autorité cordiale. Vingt francs pour vous si vous nous remettez dans notre chemin !

— Tout de suite ! répliqua le paysan empressé devant cette éblouissante promesse. La femme va vous ouvrir.

La minute d’après, une accorte paysanne apparaissait sur le seuil, simplement vêtue d’un jupon court et de la chemise à longues manches qu’une coulisse noue autour du cou.

— Donnez-vous la peine d’entrer, dit-elle avec un avenant sourire.

— Merci, brave femme ! répartit Huguette de l’intonation affable qui lui gagnait le cœur de tous les simples. Mais d’abord, apprenez-moi si nous sommes loin de Nogaro, ici ?

Le mari se rapprochait, un chandelier de cuivre à la main. Il hocha la tête :

— Au moins à dix bons kilomètres…

— Dix kilomètres ! se récria Huguette. Douze jusqu’au château, par conséquent… Ah ! nous voilà bien !

Et toisant René qui l’avait rejointe, elle ajouta, dédaigneuse :

— Vous voyez que je n’avais pas tort dans mes appréciations de tantôt ! Comme vous connaissiez bien la route ! Vous avez agi avec une inqualifiable légèreté : on n’assume pas une responsabilité quand on est incapable de la soutenir…

Il ébaucha son geste d’insouciance, mais sur son visage ambré glissa une telle expression sardonique qu’Huguette en fut frappée.

Ses obscurs soupçons se précisèrent ; elle se réserva de les approfondir plus tard.

Sans s’occuper davantage du jeune homme, elle revint à leurs hôtes qui avançaient poliment des chaises.

— Vous avez bien un cheval, une voiture ?

Le mari et la femme échangèrent un coup d’œil de détresse.

Et elle avoua avec une confusion naïve :

— Nous n’avons qu’un âne… Nous ne sommes que des paysans…

— Ah ! murmura Huguette désappointée.

L’homme confirmait :

— Seulement l’animal ne craint pas un cheval à la course… C’est une bonne bête, solide et endurante… À votre service si vous le souhaitez…

Huguette réfléchissait, n’apercevant pas de combinaison pratique.

René intervint.

— C’est cela, nous acceptons votre âne, dit-il au paysan. Mon domestique va l’enfourcher et aller prévenir au château qu’on nous envoie une voiture. Nous attendront ici… C’est l’unique chose à faire, n’est-ce pas, Huguette ?

Elle eut une moue indécise : la solution ne lui convenait guère.

Cependant, René parcourait du regard