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Un nom s’échappa de toutes les lèvres :

— Huguette !

Mlle d’Aureilhan salua gaiement :

— Elle-même !

M. d’Aureilhan s’était levé, très ému.

— Ma fille ! ma fille chérie !… Tu as voulu me revenir aujourd’hui ?…

Déjà Huguette était dans ses bras, répondant d’un élan aux caresses balbutiantes de ce père auquel la liait depuis l’enfance une affection qu’elle était étonnée de retrouver si puissante et si douce.

— Oui, père. Puisqu’il me fallait quitter mes amis de là-bas, j’ai préféré avoir immédiatement le courage des adieux, et inaugurer en vous embrassant l’année que vous commencez par cette fête d’anniversaire et que nous allons vivre ensemble.

Elle avait dit ces simples mots avec la grâce inimitable qu’on devinait lui être bien personnelle.

M. d’Aureilhan avait les paupières humides.

Il reprit les mains d’Huguette.

— Merci, ma chérie, merci. Je n’oublierai pas…

Elle le regarda, une question assombrie au fond de ses prunelles étoilées.

Puis, elle sourit de nouveau, rassurée.

Quoi qu’il advînt, elle aurait en Hugues d’Aureilhan un allié, tacite peut-être, mais loyal et fidèle.

Huguette, maintenant, cherchait autour d’elle, se proposant sans doute de rendre ses devoir à sa belle-mère.

Mais elle avisa dans un coin Germain qui la contemplait, tremblant de joie, figé en une extase.

D’un bond, elle fut à ses côtés et lui sauta au cou.

— Mon vieux Germain ! Ah ! je suis contente de te revoir, va !

M. Gontaud battit des mains, absolument conquis.

— Bravo, Huguette ! Elle est crâne, ta fille, mon bon Hugues, elle a l’amitié tenace et le mouvement prompt. J’adore ces natures-là, moi !

M. d’Aureilhan demeurait ravi ; sa femme, cependant, réprimait un geste mortifié.

Elle jugeait cette scène inconvenante, n’admettant point pareil oubli des distances.

Tandis que le vieux Germain essuyait deux larmes qui coulaient lentement sur ses joues ridées, elle s’avança vers la jeune fille avec une raideur qu’elle s’efforçait en vain d’atténuer :

— Et moi, Huguette :

Celle-ci s’excusa, toute sa franche aisance envolée.

— Pardonnez-moi, madame… J’ai tout oublié en reconnaissant Germain qui m’a servi de bonne d’enfant, dans le temps…

Mme d’Aureilhan ne laissa rien paraître.

Serait-elle aussi facile à mater que sa belle-mère y avait compté, cette fine créature blonde ?

Par bonheur, cette impression fâcheuse se dissipa aussitôt, sous le magnétisme de la grâce d’Huguette.

La jeune fille, en effet, recevait son baiser avec une correction qui pouvait tenir lieu de cordialité, et ne sortait de cette étreinte officielle que pour retomber sur la poitrine rebondie de Léonie Pranzac laquelle l’attirait bruyamment, clamant en un de ces médiocres triomphes où elle se plaisait :

— Ma belle mignonne, j’ai tout de suite deviné que c’était toi !

Huguette remercia avec affabilité.

Les présentations eurent lieu : exquise de simplicité affectueuse, Mlle d’Aureilhan renoua connaissance avec ces parents perdus de vue depuis l’âge de six ans, mais