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Et…, murmura Romaine rougissante, tu vas écrire à M. Guillaume ? Tu t’informeras si… s’il pense qu’une longue attente ?… (Chap. vi)
de Mirliton que conduisait Huguette, il ne se douta pas que trois petites silhouettes haletantes le guettaient, dissimulées parmi les verdures autour de la croix de pierre surplombant la route.

Romaine, que ses jambes ne soutenaient plus, avait glissé à genoux sur les marches du calvaire, et de là elle regardait éperdument la voiture qui diminuait dans la distance.

D’abord, ce fut la légère charrette qu’elle connaissait bien et qui s’éloignait, emportant son rêve, sa suprême espérance.

Ensuite, elle ne distingua qu’un point noir dans l’horizon bleu.

Puis, plus rien. L’espace, le vide immense, — comme dans son cœur…

Alors, Romaine se redressa, et de même qu’en venant, sans s’occuper de ses sœurs, elle reprit, droite, le chemin de sa maison.

Au chalet, elle traversa le rez-de-chaussée, de cette démarche inflexible qui la tendait toute contre une effroyable douleur, et, gagnant le premier étage, ne se réfugia point dans sa chambre.


Une force intérieure la poussait vers un asile que sa détresse jugeait plus sacré.

Elle ouvrit une porte que les trois orphelines ne franchissaient jamais sans un frémissement, et, à bout de forces, presque de vie, s’abîma devant le lit où Emmeline Saint-Brès avait rendu le dernier soupir, dans la notion d’exhaler ainsi plus près de la chère âme envolée un peu de l’infini de son désespoir avec un cri, un râle qui lui déchirait la gorge :

— Maman ! maman !…

Antoinette et Françoise étaient restées assises au pied du calvaire.

Elles devisaient de la perfidie des hommes et de l’inconstance du sort, autant par besoin d’épancher leur indignation candide qu’en l’instinct pitoyable de lais-