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sionnette cachée, de tradition chez la jeune personne selon l’ancienne formule, là où il n’y avait qu’une camaraderie très moderne doublée de la plus sincère des amitiés d’enfance.

En réalité, Huguette était heureuse parce que, pour la première fois, elle se sentait vraiment chez elle au château.

D’avoir le droit d’y recevoir ceux qui représentaient ses premières affections, la réconciliait presque avec l’imposante demeure dont les murailles avaient d’abord pesé sur son âme comme celles d’une prison.

Avec sa tendresse ingénieuse, M. d’Aureilhan avait deviné qu’il manquerait toujours quelque chose à Huguette tant que la maison paternelle ne serait pas grande ouverte à ses amis.

Aussi, dès le printemps, lui suggéra-t-il délicatement d’adresser pour les vacances une cordiale invitation à Mme Fresnault et au sculpteur.

La jeune fille ne se le fit pas répéter deux fois.

Remuée d’une infinie gratitude silencieuse, elle embrassa longuement le tendre père qui venait de guérir d’un mot la petite peine s’obstinant à rester blottie dans un repli obscur de son cœur, puis elle courut rédiger deux pressantes lettres d’appel.

Et elle attendit la réponse, non sans trouble secret. Ainsi qu’elle l’avait sourdement appréhendé, Charlotte Fresnault, avertie par une expérience antérieure, déclinait l’hospitalité offerte.

En revanche, Guillaume Maresquel l’acceptait avec l’enthousiasme d’un Parisien doublé d’un artiste, et par conséquent doublement ravi par la perspective d’horizons nouveaux.

Ce n’était pour Huguette qu’une demi-joie. Cependant, elle se trouvait tellement heureuse de revoir le compagnon d’enfance en qui s’incarnait toute son ancienne vie qu’elle se consola peu à peu de ne pas embrasser aussi Charlotte, et se mit à compter les jours en attendant Guillaume.

Plus le temps diminuait, plus il paraissait interminable.

Enfin, une semaine seulement la sépara du moment désiré, et Mlle d’Aureilhan passa désormais la plupart de ses heures dans l’appartement qu’elle destinait au jeune homme, absorbée par le souci joliment féminin de créer un cadre harmonieux qui séduisit l’ami cher et le gardât longtemps.

C’était cette disposition, qu’elle ne comprenait nullement, qui inquiétait si fort Mme d’Aureilhan.

Quand elle apercevait Huguette étudiant gravement la place d’un meuble ou le pli d’un rideau, elle se disait que sa belle-fille n’agirait pas autrement s’il s’agissait de recevoir un fiancé, et une âcre colère montait sous son sourire.

Toutefois, elle se gardait de faire part de ses folles angoisses à sa sœur et à son neveu.

Ceux-ci ne savaient trop que penser et dissimulaient de leur mieux un dépit humilié.

Jean Quéroy était peut-être le seul qui pénétrât parfaitement l’actuel état moral d’Huguette.

Lui n’avait pas peur.

Il sentait si bien qu’il était placé très haut, au-dessus de tout, le sentiment inexprimé qui fleurissait en leurs deux cœurs.

Mais comme un être qui aime s’abandonne malgré tout aux impressions frémissantes caractérisant les tendresses profondes, il éprouva le besoin d’un mot qui lui permît la foi.

C’est pourquoi il s’arrangea de façon à