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plus raisonnable que son sens superficiel des choses modernes ne l’avait cru, de prime examen.

Très noblement gentilhomme, le riche usinier fit hommage à Huguette, comme cadeau de noces, d’un merveilleux collier de perles, et, évoquant discrètement les folles illusions qui leurrent parfois les vieux cœurs, il sollicita en termes exquis l’indulgence de Mlle d’Aureilhan pour ce souvenir avec la permission de rester l’ami de son jeune bonheur.

Très émue, et non sans soupçonner, en son intuition fine, quel sillon d’inguérissable mélancolie demeurerait au fond de cette âme, exceptionnellement sensible, Huguette trouva, pour remercier, de ces paroles attendries qui mettent comme un baume sur les plaies difficiles à fermer.

À partir de ce moment, l’excellent homme sut avec courage bannir l’ancien rêve et ne songea plus qu’à servir de tout son pouvoir celle à qui il avait voué cette touchante affection capable du plus rare et du plus concluant des héroïsmes : l’oubli de sa propre souffrance.

À l’instigation de l’industriel millionnaire dont elle appréciait les hautes facultés autant qu’elle admirait sa fortune, Mme d’Aureilhan se rendit insensiblement compte qu’un ingénieur sur la voie de découvertes importantes dans le domaine de l’électricité, et appelé par surcroît à remplacer plus tard son « patron » qui fait de lui le plus grand cas, constituait une de ses individualités prédestinées qu’attend l’argent avec la gloire, et représentait, par conséquent, un gendre nullement à dédaigner.

Ce premier point acquis, elle ne put refuser d’aller, sous la conduite de M. Gontaud lui-même, visiter la villa de la plaine de Tarbes, et elle se convainquit aisément que le « galetas », extrêmement confortable, était une de ces demeures coquettes, dont on envie au passage l’heureux propriétaire.

Doucement taquine, sa belle-fille s’informa si elle pensait toujours à se jeter dans l’Adour, faisant remarquer que l’occasion était propice, car le fleuve coulait précisément au fond du jardin.

Stéphanie dut convenir en souriant qu’elle préférait en contempler le cours sinueux du haut d’une élégante terrasse à balustres ornée de majestueux vases fleuris, et un franc baiser signa de part et d’autre un désarmement définitif.

Mme d’Aureilhan était donc vaincue sur toute la ligne, en ce drame intime qu’elle s’était si fermement promis d’ordonner au gré de son impérieuse volonté.

Chose extraordinaire, elle se soumettait d’assez bonne grâce à sa défaite.

Il lui eût été impossible de se résigner à la vente publique du château et à l’exil forcé en quelque médiocre asile ; elle en eût perdu la santé ou la raison.

Mais elle acceptait une solution qui, présentant le caractère d’une de ces affaires avantageuses qu’il serait insensé de laisser échapper, donnait pleine satisfaction à son intransigeant amour-propre.

Surtout il est permis de supposer que cette femme qui possédait des qualités étranges à côté d’irréductibles défauts, se rangeait au parti duquel dépendait, avec la sécurité commune, le bonheur de l’enfant qu’elle avait appris à aimer.

Conquise à la grâce triomphante d’Huguette, à sa nature magnifiquement équilibrée où la droiture, l’énergie et la tendresse s’unissaient de façon si captivante, il lui eût été pénible actuellement de ne pas entretenir avec sa belle-fille les rapports les plus cordiaux.

Elle cédait pour la première fois de sa vie peut-être, afin de ne pas perdre le char-