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RICHARD WAGNER

sesseur, mais ce n’est pas vrai, car je les ai encore toutes fraîches dans la tête, et je les écrirai de souvenir aussitôt mon retour à la maison. « — Le trait fait plus d’honneur à sa mémoire qu’à sa délicatesse.

Était-il d’une nature si aimante, et gardait-il une reconnaissance invariable des services rendus, ce jeune homme qui osait bien déverser l’injure et la calomnie sur Grimm, qui avait été son plus dévoué protecteur lors de son premier voyage à Paris avec ses parents ? L’enthousiasme de Grimm s’était singulièrement refroidi, il est vrai, quand il avait vu revenir ce présomptueux garçon de vingt-deux ans, doué d’une vanité prodigieuse, et auquel manquaient, d’ailleurs, toutes les qualités de souplesse et d’amabilité nécessaires pour réussir à Paris ; mais il lui avait encore accordé une constante amitié, sinon une protection bien efficace.

Et ne l’eût-il pas fait que rien n’autorisait Mozart à écrire cette dénonciation si pleine de colère et d’aigreur, que le seul souvenir des services passés devait l’empêcher de parler de Grimm en ces termes grossiers : « …Le plus grand bienfait qu’il m’ait accordé consiste en quinze louis d’or qu’il m’a prêtés, par petites sommes, durant la maladie de ma mère. A-t-il peur de les perdre ? S’il a un doute à ce sujet, il mérite vraiment qu’on lui mette le pied… car ce serait montrer de la méfiance à l’endroit de mon honnêteté (la seule offense qui pût me mettre en rage) et de mon talent. »

Avait-il enfin ce profond respect de la famille, était-d même doué d’un esprit si délicat, celui qui terminait ainsi certaine lettre à un parent respectable :

« Je vous souhaite, mon cher oncle, une bonne santé et 1,000 compliments à ma cousine. Je suis de tout mon cœur,

« Monsieur, votre invariable cochon,
« W. A. Mozartin[1]. »

On a raillé, on raille encore Wagner de son esprit tudesque et de « ses plaisanteries d’éléphant ». Elles sont le plus souvent assez lourdes, d’accord, mais elles sont moins crues que celle-ci et ne s’adressent pas à un homme d’âge.

Cette courte digression sur le caractère et l’esprit de Mozart ne nous vise pas, il est vrai, nous autres Français, et elle atténuera simplement l’idéal qu’on s’est plu à se former de lui, de ce jeune homme

  1. Les mots ici soulignés sont en français dans l’original, Mozart recourant volontiers à notre langue pour faire de jolies plaisanteries de ce genre.