MM. Félicien David et Gounod chantant les victoires futures de la France, eux qui n’ont jamais reproché à l’Italien Spontini de célébrer dans des cantates officielles l’oppresseur de sa patrie et de lui consacrer mcnie, sur son ordre, un grand opéra comme Fernand Cortez ?
Weber agit autrement et mieux que Spontini, lui qui se lit le Tyrtée des armées allemandes pendant la campagne de 1813, lui qui mit en musique les chants de guerre les plus haineux contre le drapeau envahisseur, le nôtre, et contre un conquérant justement abhorré. Mais Weber alla dans ce sens plus loin que Wagner ; il ne composa pas seulement sa cantate de victoire : Combat et triomphe, après la bataille de Waterloo, — comme Wagner fit pour le couronnement de l’Empereur ; — il avait déjà, au plus fort de la guerre, lancé contre nous ces chants patriotiques qui enflammaient l’ardeur des combattants.
Et pourtant, qui songerait aujourd’hui à proscrire Weber de France, à nier son génie, parce qu’il fut notre ennemi acharné et victorieux ? Personne même n’y songea lorsque, douze ans après cette explosion de haine, il passa par Paris pour aller diriger à Londres son Oberon. Toute la société française le reçut alors avec un empressement bien flatteur, et ne voulut se rappeler qu’une chose : c’est qu’elle devait honorer le génie, où qu’il allât, d’où qu’il vînt.
Richard Wagner a donc beaucoup moins fait contre la France que Weber. Mais, dit-on, il n’a pas seulement composé une marche de triomphe : il a aussi déversé l’injure sur un peuple abattu, pour venger son amour-propre offensé de l’échec que ce peuple avait autrefois infligé à son Tannhæuser.
Mais un autre compositeur allemand nous a pour le moins aussi maltraités, aussi injuriés pour nous remercier de notre bon accueil, de nos bravos ; et ce compositeur jouit aujourd’hui de la gloire la plus pure, comme homme et comme musicien, même en France, où tout le monde ignore ce qu’il pensait de nous. La révélation que nous allons faire déflorera peut-être l’idéale image du tendre Mozart, mais, si grande surprise qu’elle cause à ses dévots admirateurs, elle n’atteindra en rien son génie ni son œuvre. Elle prouvera cependant qu’on peut détester et injurier la France avec la nature aimante d’un Mozart, comme avec l’esprit rancunier d’un Wagner.
Et d’abord, en quoi Mozart, dont on a voulu faire le modèle de toutes les vertus, différait-il du commun des hommes ? Avait-il vraiment cette droiture inflexible, cette honnêteté qu’effaroucherait la seule pensée d’un biais ou d’un faux-fuyant, celui qui, après avoir vendu sa Symphonie concertante et deux ouvertures à Legros, directeur du Concert spirituel, écrivait tout naïvement : « Il croit en être le seul pos-