OILÀ tantôt quatre ans que Richard Wagner tomba.
comme foudroyé. Sa mort remonte-t-elle assez loin
pour qu’on puisse se mettre au point convenable afin
de juger l’homme en toute impartialité ? L’heure
a-t-elle enfin sonné d’accorder à ce grand génie la
pleine justice que ses plus acharnés détracteurs lui
avaient promise pour après sa mort et qui semble
ne devoir venir qu’après la leur ? Apparemment, car la masse des
auditeurs français, sans plus s’occuper de ces mesquines rancunes
d’écrivains embourbés dans leur prose ou de ces petits intérêts de
commerce, a fait franchement réparation à Richard Wagner des injures
qu’on avait déversées sur lui de son vivant, et le public français, pris
dans son entier, s’est montré beaucoup plus généreux, plus juste à son
égard que certains individus jaloux, fanatiques ou rancuniers. On peut
dire aujourd’hui que Wagner, même en France, a conquis sa place au
soleil : il n’y compte presque plus que des admirateurs. Autrefois,
c’était se singulariser que de le défendre ; à présent, c’est vouloir attirer
sur soi l’attention que de le décrier.
Cette réhabilitation ne s’est produite indiscutable et frappante qu’après que la mort du maître eut calmé toutes les susceptibilités ; mais, déjà depuis un certain temps, il était aisé de prévoir, à des signes certains, que le vent de la fortune allait tourner, et les nombreux écrivains qui s’ingénient à se mettre toujours d’accord avec les préférences momentanées du public avaient pu ménager savamment leur conversion afin d’arriver à louer le plus superbement du monde un