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voisine de la mer, dont il fait présent à son ami Évagrius[1]. De la même manière la lourdeur de la diatribe[2], longuement et péniblement violente, dirigée contre le délateur Denys, se trouve balancée par la justesse des conseils qu’il donne à ses deux anciens condisciples Euménius et Pharianus[3] : « Ne dédaignez point la littérature, ne négligez pas la rhétorique, et occupez-vous de poésie. Cependant étudiez surtout les sciences. Le grand travail, c’est l’étude des dogmes d’Aristote et de Platon : c’est l’œuvre par excellence ; c’est la base, le fondement, l’édifice et la toiture. Le reste n’est que hors-d’œuvre. Soignez-le pourtant avec plus d’attention que les autres n’en accordent à l’œuvre réelle. » Dans un autre genre, avec quelle délicatesse de sentiment il console Amérius de la perte prématurée de sa femme[4] ! « J’ai pleuré en lisant la lettre où tu m’annonces la désolante nouvelle de la mort de ta femme. Car, outre que c’est une chose douloureuse en elle-même de perdre une femme jeune, vertueuse, chère à son époux, mère d’enfants bien élevés, ravie avant le temps, telle qu’un flambeau à la clarté brillante dont la flamme est trop vite éteinte, c’est pour mon cœur un trait plus douloureux encore que ce malheur soit tombé sur toi. Certes, l’homme du monde qui méritait le moins cette épreuve du sort, c’est notre bon Amérius, si distingué par son talent, et le plus cher de nos amis. » Viennent ensuite les motifs de consolation, puisés à la philosophie, et l’exemple de Darius, auquel Démocrite promet de faire revivre l’épouse qu’il a perdue, s’il peut graver sur son tombeau le nom de trois personnes qui n’aient éprouvé aucune affection. Le morceau est achevé : il s’élève à la hauteur de ce qu’ont écrit Cicéron, Sénèque, Plutarque et Pline le Jeune dans des circonstances semblables.

  1. Lettre XLVI.
  2. Lettre LIX. Une phrase de cette lettre peut servir d’éclaircissement à un passage évidemment altéré de l’Épître au Sénat et au Peuple d’Athènes, p. 235. Le voici : « À peine leur projet eut-il été révélé à l’empereur, que Dynamius, autre calomniateur, lui annonce une guerre en Gaule aussi sûrement qu’une crue du Nil. » C’est ainsi que nous avons traduit d’après le texte corrompu de Spanheim. Voici maintenant la phrase de la lettre à Denys : « Quoi d’étonnant que Julien, apprenant que Niloüs ou Denys est devenu un homme, s’y soit laissé prendre ? » Une observation de Heyler nous porterait à croire que le mot Nil ou Nilus de l’Épître au Sénat et au Peuple d’Athènes pourrait bien être le surnom que donne à ce Denys le texte de quelques manuscrits des œuvres de Julien.
  3. Lettre LV.
  4. Lettre XXXVII.