Page:Julien empereur - Oeuvres completes (trad. Talbot), 1863.djvu/531

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LETTRE DE GALLUS CÉSAR A SON FRÈRE JULIEN[1].

Il le félicite d’être demeuré fidèle à la religion chrétienne, qui l’emporte de beaucoup sur le culte des dieux.
Gallus César à Julien son frère salut.

Le voisinage du pays[2], j’entends, de l’Ionie, nous a été on ne peut plus avantageux. Nous étions chagriné, pénétré de douleur à la première nouvelle, de certains bruits : nous sommes remis. Que veux-je dire ? Le voici. Il était revenu à notre oreille que tu avais abjuré la religion de nos pères[3] pour te jeter dans de vaines superstitions, poussé par l’aiguillon d’un funeste dessein. Quelle douleur, mêlée d’irritation, n’ai-je point éprouvée ! Car lorsqu’il se répand un bruit de ton bonheur, je le regarde comme un profit pour moi ; et, si c’était un malheur, ce qu’à Dieu ne plaise ! je le croirais encore plus un désastre personnel. Au milieu donc de mes angoisses, la présence d’Aétius[4], notre père commun, m’a comblé de joie. Il m’annonça le contraire de ce que l’on disait et ce que je pouvais souhaiter. Il me dit que tu fréquentais les maisons de prière, que tu ne te laisses point détourner du souvenir de nos divins athlètes[5], en un mot que tu restes fermement attaché à la religion de notre famille. Je te dirai donc avec Homère[6] : « C’est là qu’il faut viser. » Réjouis par de tels souvenirs le cœur de ceux qui t’aiment, et souviens-toi qu’il n’y a rien au-dessus de la religion. Vertu par excellence, elle nous apprend à détester les sophismes du mensonge et à aimer la vérité, qui éclate surtout dans la piété envers l’Être divin. La pluralité n’engendre que discorde et anarchie : à l’unité au contraire, est réservée la puissance et l’empire universel : ici, point de partage, point d’héritage comme entre les fils de Saturne : c’est un principe unique de sa nature, souverain de toutes choses, qui ne tient point son pouvoir de la violence, mais qui est avant tous les êtres. Voilà le vrai Dieu, voilà Celui qui seul a droit à notre respect et à notre adoration. Porte-toi bien.

  1. On doute de l’authenticité de cette lettre, réputée vraie par les principaux éditeurs de Julien. La Bleterie en fixe la date à l’an 351 ou 352 après J.-C.
  2. Julien était en Ionie et Gallus à Antioche.
  3. L’aïeul de Gallus et de Julien, Constance Chlore, père de Constantin et de Jules Constance, avait été favorable aux chrétiens, mais non pas chrétien. L’assertion de Gallus est donc un peu risquée, sinon fausse.
  4. Voyez la lettre XXXI.
  5. Les martyrs.
  6. Iliade, VIII, 282.