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ÉTUDE SUR JULIEN.

la ville de Gaza, ne punit que de la parole les meurtriers de Géorgius et les persécuteurs de Marc d’Aréthuse, renvoie brutalement les Galiléens à la lecture de Luc et de Matthieu, leur détend d’enseigner les lettres profanes, leur impute l’incendie du temple de Daphné et permet le supplice d’Émilien, de Philippe, de Basile et d’Artémius. Vains efforts, injustices inutiles à la cause qu’il défendait, et qui ne font que jeter une teinte odieuse sur les derniers jours-de son règne !

Tout était prêt, cependant, pour l’expédition de Perse. Les échecs que Sapor avait fait éprouver aux armées impériales demandaient une vengeance. Quand Julien s’est assuré des grands ressorts de la guerre, l’argent, les vivres et les bons soldats, il part de Constantinople, dans les premiers jours du mois de juin, l’an 362 de l’ère chrétienne, traverse Chalcédoine et Libyssa, où la tradition place le tombeau d’Annibal, et arrive à Nicomédie. Un affreux tremblement de terre, qui fit tomber aussi une grande partie de Nicée, avait presque entièrement détruit cette ville florissante. Julien donne des ordres pour en relever les ruines, continue sa route par Nicée, visite à Pessinonte l’ancien temple de Cybèle et y compose son discours en l’honneur de la Mère des dieux. Qui le croirait ? Cette marche stratégique est le temps le plus fécond de la vie littéraire de Julien. Après l’éloge de Cybèle, il écrit ses deux discours contre les cyniques ignorants et contre Héraclius, met la dernière main à sa réfutation des Évangiles, aux Césars, et dicte une immense correspondance. De Pessinonte Julien était passé à Tarse, patrie de saint Paul : de Tarse il se rend à Antioche, où il arrive au mois d’août. On verra dans le Misopogon quelle licence régnait dans les mœurs de cette “ merveille de l’Asie ”, où il voulait prendre ses quartiers d’hiver. Il y est d’abord bien reçu ; mais quand cette population frivole et légère, qui, sous l’influence d’un climat énervant, joignait la corruption joyeuse des Grecs à la mollesse héréditaire des Syriens, voit dans l’empereur un prince esclave du devoir, ennemi des plaisirs et des spectacles, ayant toujours un maintien grave et sévère, avec une longue barbe comme les philosophes, l’accueil chaleureux qu’on lui avait fait se change en froideur, en humeur aigre et railleuse, qui ne tarde pas à se produire sous forme de pamphlets, d’épigrammes et de vers moqueurs. “ C’est un Cercope[1], disait-on, que ce petit homme à barbe de bouc, qui fait de si grandes

  1. Démons malicieux et malfaisants que Jupiter changea en singes.