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ÉTUDE SUR JULIEN.

Julien reste enfermé chez sa femme jusqu’au point du jour. Il paraît enfin, et ses soldats, dans un concert unanime d’acclamations, le saluent de nouveau du titre d’Auguste, l’élèvent sur le bouclier d’un fantassin et lui donnent pour couronne un collier militaire[1]. C’en était fait : l’empire avait deux empereurs.

On se représente aisément la colère furieuse de Constance, à cette nouvelle. Julien, dans une lettre mesurée, calculée, lui dit la contrainte qu’on lui a faite, les combats que sa loyauté a soutenus contre l’affection rebelle de ses troupes. Il déclare, en même temps, que, si Constance veut bien consentir à un arrangement équitable, il est prêt à renoncer à toute conquête et à se contenter du gouvernement des Gaules. Ces négociations sont inutiles. Constance exige que Julien renonce immédiatement au titre et au rang d’Auguste et qu’il redescende au poste de ministre docile. Julien lit à haute voix la lettre de l’empereur que lui a remise le questeur Léonas, et promet de quitter le titre d’Auguste, si telle est la volonté des soldats qui le lui ont déféré. Les troupes repoussent cette proposition par une clameur générale. C’est la guerre entre les deux rivaux. Julien se décide à marcher sur Constantinople. Il s’enfonce d’abord dans les forêts voisines, du Danube, arrive à Sirmium, où les fleurs et les flambeaux lui font cortége jusqu’au palais impérial, s’empare du passage de Succi, dans les défilés de l’Hémus, et établit son quartier général à Naïssus, où il attend le reste de son armée, pendant que la Macédoine, l’Italie et la Grèce lui envoient des députations, des hommages et des vœux[2]. De son côté Constance quitte la Mésopotamie, en apprenant la marche de Julien, reprend le chemin d’Antioche, pour donner, disait-il, la chasse à son rival, arrive à Hiérapolis, où il assemble ses soldats afin de s’assurer de leur foi et de les exciter, contre les rebelles. Son armée jure de lui obéir. Il dispose alors un plan de campagne fort inquiétant pour Julien, dont quelques troupes faisaient déjà mine de se mu-

  1. « Pour trouver un second exemple d’un empereur proclamé à Paris, il faut passer de Julien à Napoléon. » Chateaubriand.
  2. En quittant la Gaule, Julien passa l’hiver à Vienne, où il perdit sa femme Hélène, dont le corps, porté à Rome, fut enterré sur le chemin de Nomente, dans la même sépulture où l’on avait déposé Constantine, femme de Gallus. Elle ne laissa point d’enfants à Julien. On prétend que l’impératrice Eusébie fit périr le premier-né d’Hélène au moment de sa naissance, et donna dans la suite, à cette princesse, des breuvages qui firent avorter toutes ses grossesses.