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ÉTUDE SUR JULIEN.

Ajoutons avec Voltaire qu’à cette conduite de César Julien joignit les vertus de Titus et de Trajan, faisant venir de tous côtés du blé pour nourrir les peuples dans les campagnes dévastées, faisant défricher ces campagnes, rebâtissant les. villes, encourageant la population, les arts et les talents par des priviléges, s’oubliant lui-même et travaillant jour et nuit au bonheur des hommes.

Cependant le bruit des exploits de Julien était parvenu aux oreilles de Constance, qui, après avoir fait un voyage à Rome, était allé remporter sur les Perses des succès assez équivoques pour ressembler à des défaites. En vain les courtisans, ces bêtes fauves, comme le dit Julien, se vengeaient-ils de la gloire du jeune César en le desservant auprès de leur maître, l’appelant sauvage velu, taupe bavarde et singe revêtu de la pourpre. La haine rend clairvoyant : Constance devinait la vérité sous les récits mensongers de la flatterie, et il pressentait un concurrent, un rival redoutable dans le vainqueur des Celtes et des Germains. Eusébie était morte[1] : Constance n’avait plus de conseillère prudente, ni Julien de protectrice à la cour. Les ministres impériaux, devenus tout-puissants, pénètrent la pensée de leur souverain : ils conçoivent et exécutent le projet de mettre Julien hors d’état de poursuivre ses victoires. Julien était à Lutèce, lorsqu’un tribun et un secrétaire impérial viennent lui intimer l’ordre de diriger vers l’Orient ses meilleurs soldats, destinés à marcher contre les Perses sous la conduite de Constance. Ce fut une heure décisive dans la vie de Julien. Il nous a peint lui-même les inquiétudes, les angoisses, les troubles de son âme à ce moment suprême. Pourquoi ne pas croire à la sincérité de son hésitation et à la violence que lui firent les troupes soulevées ? C’étaient des soldats fiers, farouches, victorieux, qui adoraient leur général. Ils ressentirent vivement l’affront qu’on lui faisait et le coup que lui portait la jalousie de Constance. Vers minuit, à la fin du banquet de départ, les esprits s’échauffent ; le chagrin devient désespoir et révolte. On court aux armes, on se porte en criant vers le palais, on en bloque toutes les issues, on demande à voir César, que l’on salue du nom d’Auguste.

    se dispenser d’apprendre, il s’écriait en soupirant : « O Platon, Platon ! quelle occupation pour un philosophe ! » Gibbon.

  1. Elle fut empoisonnée, ou, selon d’autres, elle succomba à mes douleurs utérines.