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une muraille, ces hommes unis par le même amour de la vérité, le même dédain de la gloire, la même conspiration zélée pour la vertu ? Eh quoi ! Platon aura, dans ses discours, proclamé les mêmes préceptes que Diogène s’est contenté de mettre en pratique, et pour cela vous calomnierez ce dernier ? Craignez, au contraire, qu’il n’ait tout l’avantage. Platon, en effet, semble désavouer ses écrits. Il n’y en a pas un seul qui porte le nom de Platon ; tous ceux qu’il a publiés sont sous le nom de Socrate, homme illustre et nouveau.

8. Cela étant, pourquoi n’étudierions-nous pas le cynisme dans les propres actions de Diogène ? Le corps humain a ses parties essentielles, c’est-à-dire les yeux, les pieds, les mains, et ses parties accessoires, les cheveux, les ongles, la crasse et autres superfluités du même genre, sans lesquelles le corps ne formerait pas un tout complet. Or, celui-là ne serait-il pas ridicule, qui prendrait pour les parties essentielles les ongles, les cheveux, la crasse et les superfluités désagréables, au lieu des parties relevées et nobles, qui sont le siége des sens et les organes propres de l’intelligence, je veux dire les yeux et les oreilles ? Ce sont là, en effet, les agents de la pensée, soit parce que, l’âme étant comme enfouie en eux, ils y éveillent plus vite le principe et la force invincible de cette pensée, soit que, suivant quelques philosophes, l’âme se répande par eux comme par des canaux. Car c’est, dit-on, en rassemblant les rapports des sens divers et en les renfermant dans la mémoire qu’elle enfante les sciences. Pour moi je ne saurais comprendre que les choses sensibles puissent être perçues autrement que par un principe soit incomplet, soit parfait, mais plus ou moins gêné par la variété des objets qui sont du domaine de la perception extérieure. Mais cette question ne sert de rien pour le moment. Je reviens donc aux différentes branches de la philosophie cynique. Les cyniques ont divisé leur philosophie en deux parties, comme Aristote et comme Platon, la théorie et la pratique, sachant bien, pour y avoir réfléchi, que l’homme est de sa nature propre à l’action et à la spéculation. Que dans la physique ils aient incliné vers la théorie, il n’importe guère. Socrate aussi et un grand nombre d’autres se sont servis beaucoup de la théorie, mais ils ne l’ont fait que pour arriver à la pratique, puisqu’ils n’ont vu dans le précepte « Connais-toi toi-même » que la nécessité d’étudier avec soin ce qu’il faut accorder à l’âme et ce qu’il faut accorder au corps : à l’âme,