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On voit par là que le prince de la philosophie, celui de qui, selon moi, les Grecs ont reçu tous les autres biens, le chef commun, le législateur et le roi de la Grèce, c’est le dieu qui siége à Delphes. Et comme rien ne peut lui échapper, il n’est pas permis de croire qu’il ait ignoré le caractère propre de Diogène. Il n’agit donc pas avec lui comme avec les autres, cherchant à le convaincre en étendant ses conseils, mais il lui dit réellement ce qu’il veut dire en se servant d’une forme symbolique à l’aide de ces deux mots : « Bats monnaie. » En effet, Diogène n’est pas le premier à qui l’oracle ait dit « Connais-toi toi-même » Il l’a dit et il le répète à bien d’autres. Ce mot même, si je ne me trompe, est inscrit sur le temple. Nous avons donc trouvé le fondateur de notre philosophie, et nous en proclamons, avec le divin Jamblique, pour coryphées Antisthène, Diogène et Cratès[1], qui ont eu pour fin et pour but de leur vie, ce semble, de se connaître eux-mêmes, de mépriser les saines opinions, et de se livrer, de toute leur intelligence, à la recherche de la vérité, le plus grand des biens et pour les dieux et pour les hommes, vérité, par amour de laquelle Platon, Pythagore, Socrate et les péripatéticiens se sont décidés à tout souffrir, en travaillant à se connaître, à s’éloigner des opinions vaines et à poursuivre ce qu’il y a de vrai dans les êtres. Or, puisqu’il paraît clair que Platon n’eut pas d’autre doctrine que Diogène, mais qu’ils s’unirent tous deux dans un sentiment commun, si l’on pouvait demander au sage Platon : « Quel cas fais-tu du précepte « Connais-toi toi-même ? » je suis sûr qu’il répondrait : « Je le mets au-dessus de tout. » Et c’est ainsi qu’il le fait dans son Alcibiade[2] « Continue donc, ô divin Platon, rejeton des dieux ! Apprends-nous comment il faut envisager les opinions du vulgaire. » Pour répondre à cet appel, il nous prierait de lire en entier son dialogue intitulé Criton, où il fait dire à Socrate[3] : « Mais, mon bon Criton, que nous fait à nous l’opinion du vulgaire ? » De quel droit alors, au mépris de ces faits, séparerions-nous, comme par une

  1. Voyez ces trois mots dans Diogène de Laërte, t, II, p. 1, 40 et 44 de la traduction Zévort.
  2. Premier Alcibiade, chap. xxiv et suivants. Voyez dans l’édition spéciale de Stailbaum, p. 277 et suivantes.
  3. Chap. III. Voyez p. 158 de l’édition spéciale de G. Stallbaum.