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de Gallus. Interné à Milan pendant sept mois, puis relégué à Côme, il dut à la faveur d’Eusébie d’être envoyé à Athènes. Son voyage à Éphèse en avait fait un païen, son séjour à Athènes en fit un penseur sérieux et un philosophe. Athènes dégénérée était encore la plus florissante école de l’univers. Julien y connut saint Basile et saint Grégoire de Nazianze, et tout prouve que ces trois jeunes gens, qui devaient avoir des destinées si différentes, deux saints vénérés de l’Église et un apostat maudit par elle, vécurent dans une étroite société. On trouve dans les écrits de saint Basile et dans ceux de Julien des idées et des expressions qui attestent une liaison amicale et des études communes : la colère qui éclate dans les invectives de saint Grégoire contre Julien, est sans doute d’autant plus vive qu’il avait aimé celui auquel il ne peut pardonner d’avoir renié sa foi. Julien était heureux à Athènes : on s’empressait autour de lui, on l’admirait, on le fêtait, on l’initiait aux mystères d’Éleusis ; il eût voulu y fixer son séjour, il oubliait dans cette patrie des lettres et des arts les turpitudes des conseillers de Constance, les insinuations calomnieuses de ces êtres dégradés « pressés de cacher leur humiliation sous l’éclat du pouvoir et de tromper par l’activité de l’intrigue l’oisiveté de leur vie[1] ». Un ordre formel de l’empereur le rappelle à Milan. Sa protectrice Eusébie avait, malgré l’opposition du conseil privé, décidé son mari à élever son neveu à la dignité de César. Julien arrive à Milan, avec le costume des philosophes grecs. Eusébie, Constance, les eunuques mêmes lui font bon accueil. « J’ai, dit-il, mes entrées libres à la cour, où ce qu’on appelle la nécessité thessalienne me[2] fait pénétrer. Je me refusais constamment à vivre dans le palais ; mais les eunuques se mettent autour de moi, comme dans une boutique de barbier, me rasent la. barbe, me jettent sur le dos une chlamyde et me donnent, suivant moi, une plaisante tournure de soldat. » Après d’assez longues hésitations, après une lutte intérieure, dont il raconte avec une vivacité moqueuse les angoisses et l’issue, il cède, et le voilà décoré du nom et du manteau. de César. Constance donna le plus grand appareil à cette cérémonie. On avait dressé une estrade fort élevée au-dessus du sol et décorée sur toutes ses faces d’aigles et d’étendards. L’empereur prononça un discours, où il exposa les dangers que

  1. Albert de Broglie.
  2. C’est par erreur que, à la page 236, on a imprimé m’y ; il faut lire me.