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CONTRE LES CHIENS IGNORANTS[1]


SOMMAIRE.

Un cynique a osé accuser Diogène de vaine gloire, Julien va lui répondre. — Exposé de la doctrine des cyniques. — Le cynisme est une des formes de la philosophie, et l’application de l’oracle pythien : « Connais-toi toi-même. » — Se connaître soi même, c’est ressembler le plus possible à la Divinité. — Comment différents philosophes ont pratiqué cette maxime. — Éloge d’Antîsthène et de Diogène. — Appréciation du système philosophique et des actions dé ce dernier. — Le but de la philosophie cynique étant le bonheur, et le bonheur consistant à vivre selon la nature, Diogène a conformé sa vie et sa conduite à cette fin souveraine. — Exemples à l’appui. — Éloge de la frugalité. — Vers de Cratès. — Portrait du véritable cynique. — Nouveaux reproches, en-manière de conclusion, adressés au calomniateur, du cynisme et de Diogène.


[1] « Les fleuves remontent », dit le proverbe[2]. Un cynique accuse Diogène de vaine gloire. Il ne veut pas se baigner à l’eau froide, bien que d’un corps vigoureux, plein de séve et dans la fleur de l’àge : il a peur de prendre du mal, et cela au moment où le dieu Soleil entre dans le solstice d’été. Il se moque de la folie et de la sotte vanité de Diogène puni d’avoir mangé un polype[3], nourriture qui produit en lui l’effet mortel de la ciguë. Il a poussé si loin la sagesse qu’il sait précisément que la mort est un mal. Or, le sage Socrate avouait n’en rien savoir, et après lui Diogène. Car celui-ci, dit-il, en présentant un poignard à Antisthène épuisé par une maladie longue et incurable, lui demande s’il a besoin du secours d’un ami[4]. Il pensait

  1. Composé en une seule nuit, près du Bosphore, dans les premiers mois de l’année 362. — Les anciens donnaient le nom de chiens aux philosophes que nous appelons cynigues.— Cf. le dialogue de Lucien intitulé le Cynique.
  2. Ce proverbe signifie, en grec : Le monde est renversé, ou C’est le monde retourné. Diogène. de Laërte le cite dans sa biographie de Diogène. « Lorsque Xéniade l’eut acheté, Diogène lui dit : « Veille —à bien faire ce que je t’ordonnerai. — Les fleuves remontent vers leur source, reprit Xéniade. — Si, étant malade, répliqua Diogène, tu avais acheté un médecin, répondrais-tu, au lieu de lui obéir, que les fleuves remontent vers leur source ? » Diogène de Laerte, liv. VI, chap. 2, t. II, p. 17, trad. Zévort.
  3. Voyez les différentes traditions sur la mort de Diogène dans Diogène de Laërte, à l’endroit cité, p. 40. — Cf. les vers de Sotadès dans Stobée, Florileg., titre XCVIII, 9, et Athénée, liv. XVIII, sect. 26.
  4. Voyez Diogène de Laërte à l’endroit cité, liv. VI, cbap. l, p. 9.