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Le ministre, qui ne manquait pas d’esprit, mit dans l’étable un gros mouton qu’il nourrissait soigneusement d’herbes et de grains. Trois fois par jour, il approchait du mouton un loup furieux qui le remplissait d’effroi. Quoique ce mouton grossît à vue d’œil, il n’acquerrait point de graisse. Le ministre amena le mouton devant le roi. Celui-ci l’ayant fait tuer, le trouva gros et charnu, mais sans graisse. Il interrogea son ministre pour en savoir la cause. « Votre Majesté, répondit-il, par la manière dont elle adore le Bodhisattva (le Bouddha), ressemble à ce mouton. Elle a sans cesse devant les yeux le loup imaginaire de la mort, dont la crainte fait fondre la graisse de ses attachements mondains, et, pendant ce temps-là, la chair de ses mérites