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LIVRE TROISIÈME.

« Si ce corps vil et méprisable, leur dit Hiouen-thsang, pouvait répondre dignement au but de votre sacrifice, en vérité je n’en serais pas avare ; mais comme je viens des pays lointains pour honorer l’image de la Bôdhi (de l’Intelligence) et le Pic du Vautour [Grïdhrakoûta), me procurer des livres sacrés et m’instruire dans la Loi, ce vœu n’étant pas encore accompli, je crains, hommes généreux, qu’en m’ôtant la vie, vous ne vous attiriez les plus grands malheurs. » Tous les hommes du bateau prièrent ensemble les pirates, il y en eut même qui offrirent de mourir à sa place ; mais ils s’y refusèrent obstinément. Sur ces entrefaites, le chef des pirates envoya des hommes pour chercher de l’eau au milieu du bois fleuri d’Açôkas, et les chargea de construire un autel en terre pétrie avec de la vase du fleuve ; puis il ordonna à deux satellites de tirer leurs sabres, d’entraîner Hiouen-thsang au haut de l’autel et de le sacrifier immédiatement. Mais le Maître de la loi ne laissa voir sur sa figure aucune marque de crainte ni d’émotion. Les pirates en furent surpris et touchés. Hiouen-thsang, voyant qu’il ne pourrait échapper, pria les brigands de lui accorder quelques moments de répit, et de ne point le presser avec violence. « Laissez-moi, leur dit-il, entrer dans le Nirvana avec une âme calme et joyeuse. »

Alors le Maître de la loi songea avec amour à Ts’e-chi (Mâitrêya), et tourna toutes ses pensées vers le palais des Touchitas, formant des vœux ardents pour y naître, afin d’offrir à ce Bôdhisattva ses respects et ses