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VIE ET VOYAGES DE HIOUEN-THSANG.

les monuments sacrés, partit du royaume d’A-yu-tho (Ayodhyâ), suivit le cours du Gange, et, avec quatre-vingts personnes qui s’étaient embarquées sur le même bateau, il descendit dans la direction de Test, pour aller vers le royaume de ’O-ye-mou-kia (Ayamoukha). Quand il eut fait une centaine de li, il vit les deux rivages du fleuve ombragés d’arbres’O-chou-kia (Açôkas) dont le feuillage était extrêmement touffu. Ces arbres abritaient, de chaque côté, une dizaine de bateaux de pirates. Ceux-ci, faisant force de rames, s’avancèrent à leur rencontre au milieu du courant, et se montrèrent tout à coup à leurs yeux. Plusieurs passagers, saisis d’épouvante, se précipitèrent dans le fleuve. Aussitôt les brigands entourèrent la barque et la conduisirent au rivage. Là ils forcèrent tous les passagers de quitter leurs vêtements, et les fouillèrent pour trouver ce qu’ils pouvaient avoir de précieux. Or ces brigands adoraient la divinité T’o-kia (la déesse Dourgâ). Chaque année, en automne, ils cherchaient un homme bien fait et d’une belle figure ; après l’avoir tué, ils prenaient sa chair et son sang, et les offraient en sacrifice à cette divinité, pour obtenir le bonheur. Quand ils eurent examiné le Maître de la loi, dont la taille noble et la figure distinguée répondaient à leurs vues cruelles, ils se regardèrent l’un l’autre d’un air joyeux. « Nous allions, dirent-ils, laisser passer l’époque du sacrifice qu’exige notre déesse, faute de trouver un sujet digne d’elle ; mais voici un religieux d’une belle stature et d’un visage charmant. Tuons-le pour obtenir le bonheur. »