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Comte, et qu’elle allait le lui faire signifier. Emilie me témoigna ses appréhensions sur les suites de cette affaire ; quoique je ne fusse pas moi-même sans crainte, je m’efforçai de dissiper les alarmes de ma maîtresse. Le Comte, lui dis-je, peut être un lâche, un homme sans principes comme sans mœurs, mais j’ai encore peine à croire qu’il soit un scélérat ; les lois et mon courage sont, à mon avis, une sauve-garde suffisante contre les tentatives qu’il pourrait faire pour me nuire. Insensé ! j’ignorais qu’un homme qui s’imagine être assez supérieur à un autre pour pouvoir l’insulter sans conséquence, qui a perdu toute idée du beau et de l’honnête, et qui n’a que des inclinations perverses, des goûts dépravés ; j’ignorais, dis-je, qu’il n’est rien qui coûte à un pareil homme pour satisfaire à la fois sa passion et sa vengeance, et qu’il passe d’un pas d’autant plus rapide de l’oubli de ses devoirs au crime, qu’il espère que son rang lui assurera l’impunité.