couvrit mes yeux et je restai pendant
un assez long temps absorbée dans la
plus profonde douleur. Lorsque je revins
de cet état, je me trouvai absolument
seule ; mon cheval que j’avais été incapable
de gouverner, avait pris une
autre route que celle que tenaient les
fuyards. L’endroit où j’étais offrait la
plus profonde solitude : c’était un chemin
étroit qui conduisait à un défilé entre
deux montagnes fort escarpées. Quoique
je n’eusse aucune connaissance du
local, plutôt que de m’exposer à tomber
entre les mains des Autrichiens, en
retournant sur mes pas, je résolus de
continuer ma route et de traverser ce
défilé. Je mis pied à terre, et tenant mon
cheval par la bride, je m’engageai dans
la gorge ; les plus cruelles réflexions
vinrent bientôt m’assaillir, et les plus
tristes images se présentèrent à mon
esprit ; il me semblait voir mon amant
nageant dans son sang et rendant le
dernier soupir. — Quoi, m’écriai-je, je
ne le verrai plus ; il est perdu à jamais
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