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qui serait vivement affectée des malheurs d’un autre, si elle était heureuse, les voit avec une sorte de plaisir, lorsqu’elle éprouve elle-même les rigueurs du sort.

Quelques jours avant la fuite de Jérôme, il était venu loger dans l’auberge un jeune homme, Français de naissance, de la figure la plus intéressante. Comme on recherche volontiers ses compatriotes, nous avions cherché à nous lier avec lui, mais il n’avait pas paru avoir grande envie d’entrer en connaissance avec nous ; il restait presque toujours seul et semblait fuir la société ; un air de tristesse répandu sur sa physionomie, annonçait qu’il avait quelque chagrin secret. Tout ce que nous pûmes apprendre de lui, dans les occasions que nous eûmes de lui parler, c’est qu’il revenait de l’Amérique, et qu’il avait servi dans les troupes américaines.

L’ébranlement que l’infâme procédé de Jérôme avait causé à ma sensibilité, et la disposition à l’affliction où il avait