mes facultés, qu’à peine avais-je le sentiment
de mon existence. Revenue peu
à peu à moi, j’aurais cru que ce qui
venait de m’arriver était un songe, si la
vue du cachot et l’horreur de ce qui
m’environnait ne m’eût convaincue de la
triste réalité de mon malheur. Quel
crime ai-je commis, me dis-je à moi-même,
pour être traitée ainsi ? Aucun,
car à coup sûr ce n’est point un crime
de donner du plaisir et d’en recevoir,
et notre personne n’est-elle point une
propriété dont nous pouvons disposer à
notre gré ? L’amour ne rompt aucun
lien dans la société, il ne nuit à personne ;
c’est la jouissance la moins
sujette à des inconvénients, j’ose même
dire la plus pure, puisque l’homme ne
se procure presque jamais les autres
que plus ou moins aux dépens de ses
semblables, et sans doute il vaut mieux
remplir le vœu de la nature et coopérer
à la multiplication de l’espèce humaine
que de dépeupler la terre par des
guerres qui n’ont d’autre motif que le
caprice de quelque Souverain.
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