Scène 6e
(Isidore a pris le balai d’une main, mis les brosses à cirer à ses pattes et frotte vigoureusement le parquet)
BAPTISTE (apportant différents comestibles). — J’apporte mon déjeuner en même temps que celui de chimpanzé, eh bien ! qu’est-ce qu’il fait là ?
(Isidore frotte avec mille contorsions et grimaces)
Il cire mon parquet ! la bonne affaire !… mais il s’y prend à merveille ! Bravo Monsieur de Chimpanzé ! (Il dépose ses vivres sur un buffet)
ISIDORE (d’un air aimable). — Ifpoinsighighi !
BAPTISTE. — Oui, mon ami, c’est assez luisant comme cela ! mais prenez garde de vous fatiguer.
ISIDORE. — Schifissfissfiss ! (Il ôte ses brosses et se met à balayer avec une rare énergie)
BAPTISTE. — Décidément cet animal a servi dans les meilleures maisons d’Amérique. Par l’Escurial, voici une idée qui n’est pas bête ; je lui ferai faire mon ouvrage et je n’aurai plus qu’à me croiser les bras ! Si j’avais la voiture de mes ancêtres je le ferais monter derrière comme un nègre.
(Isidore vient balayer jusque sur les pieds de Baptiste)
BAPTISTE. — Hé là là ! modérons-nous l’ami ! prenons garde de casser la glace !
(Isidore essuie la glace, il époussette avec le plumeau puis il ouvre la pendule)
BAPTISTE. — Doucement ! doucement ! ne badinons pas avec les grands ressorts. Eh bien ! qu’est-ce qu’il fait ?
(Isidore monte la pendule avec une délicatesse exquise et imite le grincement du ressort)
ISIDORE. — Crrrri ! crrrri ! crrrri !
BAPTISTE. — Crrrri ! crrrri ! Voilà qu’il me parle hollandais maintenant !… mais il sait tout ! c’est vraiment un singe du monde ! ma foi ! il ne me reste plus qu’à manger !
ISIDORE (ouvrant la bouche.) — Am ! am ! am ! am !
BAPTISTE. — Tu as faim, mon bijou ! sois tranquille ! j’ai là un vieux reste de mon veau qui fera ton affaire.
(Isidore apporte la table au milieu de la chambre et met une nappe et des assiettes)