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Scène 5e

ISIDORE (seul). — Ouf !… (Il ôte son masque avec précaution, après avoir fait d’abord quelques gambades de singe). J’étouffe ! Comme les singes doivent avoir chaud ! Vous voyez à quoi m’a réduit l’amour ! À faire abdication de ma dignité d’homme ! Il me semble que j’ai des démangeaisons partout ! Étamine ! Étamine ! Je vais donc enfin te parler et te voir ! M. Van Carcass m’avait toujours éconduit. Dès que j’appris qu’il attendait un singe du Brésil, je n’hésitai pas à revêtir cette peau de chimpanzé ! mais conduisons-nous bien, et ne soyons pas trop méchant, de peur qu’on ne nous enchaîne ! ayons de belles manières pour garder notre liberté. Ouf ! On n’est pas à l’aise, là-dedans ! Je ne sais comment les singes font pour y résister.


RÉCITATIF

Air :
Depuis que j’endossai cette peau de macaque
Je me sens devenir tout hypocondriaque !…
Je ne retrouve plus mes sentiments humains
Et je me vois pousser des griffes aux deux mains.

Oh ! prodige étrange !
Tout mon être se change

Les mots, dans mon gosier, prennent un autre son,
Et finissent, hélas ! d’une affreuse façon !

Je deviens un vrai singe
C’est à n’en plus douter !
La chose est fort étringe !
Mais veuillez m’écouter.
Comme ma voix se chinge !
Je deviens un vrai singe !

Je me suis fait homme des bois
Je crois
Et pour toi seule, jeune fille,
Mandrille !
En moi tu vois un chimpanzé
Rusé,
Pour excuser ce stratagème
Oh ! j’aime !