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dresser au service, boire et manger comme des personnes naturelles ! et qu’ils n’exigent point de gages pour servir leur maître ! Le singe est, par rapport à un domestique, ce qu’un nègre est à un homme blanc Son égal — Sauf la couleur — Tâchez de ne pas l’oublier.

BAPTISTE. — Oh ! humiliation ! dégradation de l’espèce humaine ! exploitation de l’homme par le singe !

ÉTAMINE. — En examinant bien, il n’est pas mal, cet animal.

VAN CARCASS. — Dis donc, Étamine, qu’il est plein d’aisance et de noblesse ; qu’il a l’air fort bien élevé !… Il serait reçu dans les meilleurs salons, s’il avait des gants !

BAPTISTE. — Aux pieds et aux mains.

ISIDORE. — Iriceriminieri !

VAN CARCASS. — C’est probablement du brésilien ! petit ! petit ! donnez la patte ! Vous allez voir !

BAPTISTE. — Il faudrait peut-être lui parler nêgre, Monsieur.

VAN CARCASS. — Vous avez raison, Baptiste, Petit, donnez patte à moi.

(Isidore donne la jambe)

BAPTISTE. — Oh ! oh ! Il ne sait pas distinguer sa jambe de son bras !

VAN CARCASS. — Mais non ! Il a raison ! Je lui demande la patte, eh bien, il me la donne ! demandez-lui la main, et vous verrez !

BAPTISTE. — Petit ! Petit ! donnez main… (Isidore lui applique sa griffe sur la tête). À moi ! au secours ! Vilaine bête !

VAN CARCASS. — Il est adorable ! Pourquoi aussi, Baptiste, ne lui avez-vous pas demandé main de velours !…

BAPTISTE. — C’est une infamie !

ÉTAMINE. — Comment l’appellerons-nous, papa ?

VAN CARCASS. — Étamine à raison, il faut lui trouver un nom.

BAPTISTE. — Si on l’appelait Gonzalve.

ÉTAMINE. — Oh non ! Ce n’est pas assez comme il faut.

VAN CARCASS. — Le fait est qu’il a l’air on ne peut plus distingué ! Ah ! j’ai ce qu’il nous faut ! M. de Chimpanzé.

BAPTISTE. — Un noble ! Jamais !

VAN CARCASS. — Oh ! je vais me fâcher, à la fin ! Baptiste ! Vous l’appellerez M. de Chimpanzé, ou nous nous brouillerons ! Vous lui parlerez à la troisième personne, ou je vous chasse.

ÉTAMINE. — Au revoir M. de Chimpanzé !

VAN CARCASS. — Je me rends à la société zoologique, faire part de mon acquisition ! préparez le repas de M. de Chimpanzé, et ayez pour lui les égards dûs à son espèce.

BAPTISTE. — Si M. de Chimpanzé veut bien me permettre, je vais avoir l’honneur d’apporter à M. de Chimpanzé le repas que j’aurai préparé de mes mains pour M. de Chimpanzé.

(Ils sortent)