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le secret de l’île.

évident que le capitaine n’était plus soutenu que par une énergie morale, qui ne pourrait bientôt plus réagir contre son affaiblissement physique.

La journée se termina sans qu’aucun changement se manifestât. Les colons ne quittèrent pas un instant le Nautilus. La nuit était venue, bien qu’il fût impossible de s’en apercevoir dans cette crypte.

Le capitaine Nemo ne souffrait pas, mais il déclinait. Sa noble figure, pâlie par les approches de la mort, était calme. De ses lèvres s’échappaient parfois des mots presque insaisissables, qui se rapportaient à divers incidents de son étrange existence. On sentait que la vie se retirait peu à peu de ce corps, dont les extrémités étaient déjà froides.

Une ou deux fois encore, il adressa la parole aux colons rangés près de lui, et il leur sourit de ce dernier sourire qui se continue jusque dans la mort.

Enfin, un peu après minuit, le capitaine Nemo fit un mouvement suprême, et il parvint à croiser ses bras sur sa poitrine, comme s’il eût voulu mourir dans cette attitude.

Vers une heure du matin, toute la vie s’était uniquement réfugiée dans son regard. Un dernier feu brilla sous cette prunelle, d’où tant de flammes avaient jailli autrefois. Puis, murmurant ces mots : « Dieu et patrie ! » il expira doucement.

Cyrus Smith, s’inclinant alors, ferma les yeux de celui qui avait été le prince Dakkar et qui n’était même plus le capitaine Nemo.

Harbert et Pencroff pleuraient. Ayrton essuyait une larme furtive. Nab était à genoux près du reporter, changé en statue.

Cyrus Smith, élevant la main au-dessus de la tête du mort :

« Que Dieu ait son âme ! » dit-il, et, se retournant vers ses amis, il ajouta :

« Prions pour celui que nous avons perdu ! »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quelques heures après, les colons remplissaient la promesse faite au capitaine, ils accomplissaient les dernières volontés du mort.

Cyrus Smith et ses compagnons quittèrent le Nautilus, après avoir emporté l’unique souvenir que leur eût légué leur bienfaiteur, ce coffret qui renfermait cent fortunes.

Le merveilleux salon, toujours inondé de lumière, avait été fermé soigneusement. La porte de tôle du capot fut alors boulonnée, de telle sorte que pas une goutte d’eau ne pût pénétrer à l’intérieur des chambres du Nautilus.

Puis, les colons descendirent dans le canot, qui était amarré au flanc du bateau sous-marin.