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le secret de l’île.

qui recueillait les premières eaux de la rivière de la Chute. Ce fut là qu’Ayrton leur montra la caverne où s’étaient réfugiés les convicts et dans laquelle il avait été séquestré jusqu’à son transport au corral. Cette caverne était absolument dans l’état où Ayrton l’avait laissée. On y retrouva une certaine quantité de munitions et de vivres que les convicts avaient enlevés avec l’intention de se créer une réserve.

Toute la vallée qui aboutissait à la grotte, vallée ombragée de beaux arbres, parmi lesquels dominaient les conifères, fut explorée avec un soin extrême, et le contrefort sud-ouest ayant été tourné à sa pointe, les colons s’engagèrent dans une gorge plus étroite qui s’amorçait à cet entassement si pittoresque des basaltes du littoral.

Ici les arbres étaient plus rares. La pierre remplaçait l’herbe. Les chèvres sauvages et les mouflons gambadaient entre les roches. Là commençait la partie aride de l’île. On pouvait reconnaître déjà que, de ces nombreuses vallées qui se ramifiaient à la base du mont Franklin, trois seulement étaient boisées et riches en pâturages comme celle du corral, qui confinait par l’ouest à la vallée de la rivière de la Chute, et, par l’est, à la vallée du creek Rouge. Ces deux ruisseaux, changés plus bas en rivières par l’absorption de quelques affluents, se formaient de toutes les eaux de la montagne et déterminaient ainsi la fertilité de sa portion méridionale. Quant à la Mercy, elle était plus directement alimentée par d’abondantes sources, perdues sous le couvert du bois de Jacamar, et c’étaient également des sources de cette nature qui, s’épanchant par mille filets, abreuvaient le sol de la presqu’île Serpentine.

Or, de ces trois vallées où l’eau ne manquait pas, l’une aurait pu servir de retraite à quelque solitaire qui y eût trouvé toutes les choses nécessaires à la vie. Mais les colons les avaient déjà explorées, et nulle part ils n’avaient pu constater la présence de l’homme.

Était-ce donc au fond de ces gorges arides, au milieu des éboulis de roches, dans les âpres ravins du nord, entre les coulées de laves, que se trouveraient cette retraite et son hôte ?

La partie nord du mont Franklin se composait uniquement à sa base de deux vallées, larges, peu profondes, sans apparence de verdure, semées de blocs erratiques, zébrées de longues moraines, pavées de laves, accidentées de grosses tumeurs minérales, saupoudrées d’obsidiennes et de labradorites. Cette partie exigea de longues et difficiles explorations. Là se creusaient mille cavités, peu confortables sans doute, mais absolument dissimulées et d’un accès difficile. Les colons visitèrent même de sombres tunnels qui dataient de l’époque pluto-