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le secret de l’île.

« Jamais, répétait Pencroff, jamais ce Bob Harvey, puisqu’il est bon marin, n’entrera dans le canal ! Il sait bien que ce serait risquer le brick, pour peu que la mer devînt mauvaise ! Et que deviendrait-il sans son navire ? »

Cependant, le brick s’était approché de l’îlot, et on put voir qu’il cherchait à en gagner l’extrémité inférieure. La brise était légère, et, comme le courant avait alors beaucoup perdu de sa force, Bob Harvey était absolument maître de manœuvrer comme il le voulait.

La route suivie précédemment par les embarcations lui avait permis de reconnaître le chenal, et il s’y était effrontément engagé. Son projet n’était que trop compréhensible : il voulait s’embosser devant les Cheminées et, de là, répondre par des obus et des boulets aux balles qui avaient jusqu’alors décimé son équipage.

Bientôt le Speedy atteignit la pointe de l’îlot ; il la tourna avec aisance ; la brigantine fut alors éventée, et le brick, serrant le vent, se trouva par le travers de la Mercy.

« Les bandits ! Ils y viennent ! » s’écria Pencroff.

En ce moment, Cyrus Smith, Ayrton, le marin et Harbert furent rejoints par Nab et Gédéon Spilett.

Le reporter et son compagnon avaient jugé convenable d’abandonner le poste de la Mercy, d’où ils ne pouvaient plus rien faire contre le navire, et ils avaient sagement agi. Mieux valait que les colons fussent réunis au moment où une action décisive allait sans doute s’engager. Gédéon Spilett et Nab étaient arrivés en se défilant derrière les roches, mais non sans essuyer une grêle de balles qui ne les avait point atteints.

« Spilett ! Nab ! s’était écrié l’ingénieur. Vous n’êtes pas blessés ?

— Non ! répondit le reporter, quelques contusions seulement, par ricochet ! Mais ce damné brick entre dans le canal !

— Oui ! répondit Pencroff, et, avant dix minutes, il aura mouillé devant Granite-house !

— Avez-vous un projet, Cyrus ? demanda le reporter.

— Il faut nous réfugier dans Granite-house, pendant qu’il en est temps encore et que les convicts ne peuvent nous voir.

— C’est aussi mon avis, répondit Gédéon Spilett ; mais une fois renfermés…

— Nous prendrons conseil des circonstances, répondit l’ingénieur.

— En route donc, et dépêchons ! dit le reporter.

— Vous ne voulez pas, monsieur Cyrus, qu’Ayrton et moi nous restions ici ? demanda le marin.