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l’île mystérieuse.

« Décidément, nous n’aurons qu’un moyen, dit Gédéon Spilett, un seul de quitter l’île Lincoln, ce sera de construire un bâtiment assez grand pour tenir la mer pendant quelques centaines de milles. Il me semble que, quand on a fait une chaloupe, on peut bien faire un navire !

— Et que l’on peut bien aller aux Pomotou, ajouta Harbert, quand on est allé à l’île Tabor !

— Je ne dis pas non, répondit Pencroff, qui avait toujours voix prépondérante dans les questions maritimes, je ne dis pas non, quoique ce ne soit pas tout à fait la même chose d’aller près et d’aller loin ! Si notre chaloupe avait été menacée de quelque mauvais coup de vent pendant le voyage à l’île Tabor, nous savions que le port n’était éloigné ni d’un côté ni de l’autre ; mais douze cents milles à franchir, c’est un joli bout de chemin, et la terre la plus rapprochée est au moins à cette distance !

— Est-ce que, le cas échéant, Pencroff, vous ne tenteriez pas l’aventure ? demanda le reporter.

— Je tenterai tout ce que l’on voudra, monsieur Spilett, répondit le marin, et vous savez bien que je ne suis point homme à reculer !

— Remarque, d’ailleurs, que nous comptons un marin de plus parmi nous, fit observer Nab.

— Qui donc ? demanda Pencroff.

— Ayrton.

— C’est juste, répondit Harbert.

— S’il consentait à venir ! fit observer Pencroff.

— Bon ! dit le reporter, croyez-vous donc que si le yacht de Lord Glenarvan se fût présenté à l’île Tabor pendant qu’il l’habitait encore, Ayrton aurait refusé de partir ?

— Vous oubliez, mes amis, dit alors Cyrus Smith, qu’Ayrton n’avait plus sa raison pendant les dernières années de son séjour. Mais la question n’est pas là. Il s’agit de savoir si nous devons compter parmi nos chances de salut ce retour du navire écossais. Or, Lord Glenarvan a promis à Ayrton de venir le reprendre à l’île Tabor, quand il jugerait ses crimes suffisamment expiés, et je crois qu’il reviendra.

— Oui, dit le reporter, et j’ajouterai qu’il reviendra bientôt, car voilà douze ans qu’Ayrton a été abandonné !

— Eh ! répondit Pencroff, je suis bien d’accord avec vous que le lord reviendra, et bientôt même. Mais où relâchera-t-il ? À l’île Tabor, et non à l’île Lincoln.