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l’abandonné.

fracassées, les reins brisés, témoignaient qu’ils avaient eu affaire au terrible gourdin de l’intrépide animal. Le pauvre Jup tenait encore à la main le tronçon de son bâton rompu ; mais privé de son arme, il avait été accablé par le nombre, et de profondes blessures labouraient sa poitrine.

« Il est vivant ! s’écria Nab, qui se pencha sur lui.

— Et nous le sauverons, répondit le marin, nous le soignerons comme l’un de nous ! »

Il semblait que Jup comprît, car il inclina sa tête sur l’épaule de Pencroff, comme pour le remercier. Le marin était blessé lui-même, mais ses blessures, ainsi que celles de ses compagnons, étaient insignifiantes, car, grâce à leurs armes à feu, presque toujours ils avaient pu tenir les assaillants à distance. Il n’y avait donc que l’orang dont l’état fût grave.

Jup, porté par Nab et Pencroff, fut amené jusqu’à l’ascenseur, et c’est à peine si un faible gémissement sortit de ses lèvres. On le remonta doucement à Granite-house. Là, il fut installé sur un des matelas empruntés à l’une des couchettes, et ses blessures furent lavées avec le plus grand soin. Il ne paraissait pas qu’elles eussent atteint quelque organe essentiel, mais Jup avait été très-affaibli par la perte de son sang, et la fièvre se déclara à un degré assez fort.

On le coucha donc, après son pansement, on lui imposa une diète sévère, « tout comme à une personne naturelle », dit Nab, et on lui fit boire quelques tasses de tisane rafraîchissante, dont la pharmacie végétale de Granite-house fournit les ingrédients.

Jup s’endormit d’un sommeil agité d’abord ; mais peu à peu sa respiration devint plus régulière, et on le laissa reposer dans le plus grand calme. De temps en temps, Top, marchant, on peut dire « sur la pointe des pieds », venait visiter son ami et semblait approuver tous les soins que l’on prenait de lui. Une des mains de Jup pendait hors de la couche, et Top la léchait d’un air contrit.

Ce matin même, on procéda à l’ensevelissement des morts, qui furent traînés jusqu’à la forêt du Far-West et enterrés profondément.

Cette attaque, qui aurait pu avoir des conséquences si graves, fut une leçon pour les colons, et désormais ils ne se couchèrent plus sans que l’un d’eux se fût assuré que tous les ponts étaient relevés et qu’aucune invasion n’était possible.

Cependant Jup, après avoir donné des craintes sérieuses pendant quelques jours, réagit vigoureusement contre le mal. Sa constitution l’emporta, la fièvre diminua peu à peu, et Gédéon Spilett, qui était un peu médecin, le considéra